dimanche 25 mai 2014

Cinéma : "Nebraska" d'Alexander Payne : drôle, émouvant et juste



Le film "Nebraska", d' Alexander Payne, sorti en salles le 2 avril 2014,  mérite bien sa classification en "comédie dramatique"!

Courez y vite, si vous trouvez encore une salle qui programme cette petite merveille en Noir & Blanc: c'est drôle, émouvant et juste!


Ce beau film, justement primé, en noir et blanc qui plus est, nous offre des images magnifiques et tristes à la fois d'une Amérique bloquée par la crise : les magasins ont fermé et les habitants, vieux et jeunes restent hébétés, la canette de bière à la main, à regarder la télévision ou les voitures qui passent...

Bruce Dern alias Woody Grant

Un vieil homme emmitouflé et titubant, Woody Grant (génialement interprété par Bruce Dern, prix d'interprétation à Cannes),  marche le long d'une route, et une voiture de police s'arrête...


Ce plus que septuagénaire alcoolique et un brin fêlé est parti seul de chez lui pour toucher un million de dollars promis par une publicité mensongère.

Il s'apprête à se rendre à 1500 km de chez lui au Nebraska, à pied s'il le faut, tant sa conviction est forte qu'il a touché le gros lot.


Sa femme, une sacrée mégère (formidablement interprétée par June Sqibb, désopilante) a beau le traiter avec un langage cru, de loser et entre autre de vieux fou (pour être poli...), son fils (belle et juste interprétation de Will Forte, subtil et tendre)  lui expliquer qu'il s'agit d'une arnaque, il n'en démords pas.


June Squibb alias Mrs Grant

Ce fils cadet accepte finalement de le laisser vivre son rêve et de l'accompagner au Nebraska : ce sera un road movie désopilant, émouvant, avec, en vrac, la recherche d'un dentier perdu entre les rails de chemin de fer, beaucoup de bières, un cimetière, des souvenirs révélateurs et une mini odyssée burlesque (lors d'un vol dans une grange)...

Peu à peu une véritable relation va se tisser entre le père et le fils, et le fils découvrira, tardivement, les qualités - bien cachées - de son père : Alexander Payne analyse au scalpel les relations parents/enfants!
Père et fils...

Les cadrages en N&B sont somptueux et les images me font bien entendu penser aux photographies N&B de Robert Adams que j'évoquais dans ma note précédente : ici .

En résumé : Alexander Payne nous a offert un film formidable, touchant, plein de finesse et qui sait nous montrer une société américaine et ses travers sans ironie aucune, et au contraire avec une certaine tendresse.

Alexander Payne

Voir ici la biographie et la filmographie d' Alexander Payne.

vendredi 23 mai 2014

Photographie : Robert Adams au Jeu de Paume, "L'endroit où nous vivons".


J'ai eu la chance de pouvoir admirer les oeuvres du photographe américain Robert Adams au Musée du Jeu de Paume à Paris.
L'exposition, intitulée " L'endroit où nous vivons" ("The place we live") s'est tenue du 11 février au 18 mai 2014.

Ne pas confondre Robert Adams avec un autre photographe américain célèbre : Ansel Adams ( voir mes trois notes sur lui : ici, ici et ).

Né dans le New Jersey en 1937,  Robert Adams a grandi dans le Wisconsin puis résida dans le Colorado avant de s'installer en Oregon.

Robert Adams

Adams photographie la géographie de l'Ouest américain depuis plus de 40 ans.
Il y trouve une beauté fragile mais persistante malgré les relations agitées que nous entretenons avec la nature et avec nous-mêmes.


Depuis le milieu des années 60, Robert Adams est considéré par beaucoup comme l'un des chroniqueurs les plus importants et les plus influents de l'Ouest américain.


Cette belle exposition de 250 tirages N&B de petit format met en lumière à la fois l'intérêt de Robert Adams pour la relation souvent tragique entre l'homme et la nature et en même temps sa quête d'une lumière et d'une beauté malgré tout présente au sein de paysages dégradés voire massacrés par l'homme.


Ce mélange de déploration et d'espoir m'a profondément touché, dans la mesure où, depuis plusieurs années je m'imprègne de ces paysages  à la fois magiques, étonnants et terribles de l'Ouest américain, car en pleine mutation.

Le parcours attentif de cette exposition m'a permis de percevoir de façon intime et cohérente l'évolution de l'Ouest des USA à la fin du XX° et au début du XXI° siècles, de par l'activité humaine.


Robert Adams évoque, avec une apparente neutralité d'approche, mais souvent avec une tendresse désarmante, et même un certain lyrisme, tout à la fois le massacre des forêts, les gens ordinaires qui vaquent à leur quotidien à l'ombre d'une centrale nucléaire, les localité rurales et suburbaines du Colorado, les plaisirs sensoriels de la marche à pied...

Il aime à citer la poétesse russe Anna Akhmatova : "Le miraculeux est si proche des ruines sales".


D'un côté Robert Adams constate un recul néfaste de l'espace et du silence, et de l'autre, il reste attentif à la bienveillance, à l'affection et à la joie visibles chez certains malgré leurs conditions de vie, ainsi qu'au pouvoir rédempteur que conserve la lumière du jour, même lorsqu'elle inonde les banlieues...


L'oeuvre de Robert Adams est un vibrant plaidoyer en faveur d'une approche humaniste de la photographie : il nous exhorte, en affichant les contradictions et la complexité de notre vie moderne,  à ouvrir les yeux sur les débats infligés à notre habitat collectif et à notre environnement.



Ses photographies, économes et presque brutales,  mettent en relief la beauté esthétique de notre environnement et nous rappellent à notre obligation de le protéger, non seulement dans le magnifique Ouest américain, mais également partout sur notre planète.







Robert Adams a publié une quinzaine de livres de photographies, dont le dernier, que je me suis procuré, intitulé : "Que croire là où nous sommes? - Photographies de l'Ouest américain" (Ed Jeu de Paume - La Fabrica).
Dans cet ouvrage, la qualité des reproductions N&B est absolument remarquable.