vendredi 31 mai 2013

Randonnée dans les Vosges : visite magique au Taennchel et au "Mur Païen"


Il y a une semaine, nous avons randonné dans l'énigmatique massif du Taennchel, non loin du château du Haut-Koenigsbourg, au dessus de Thannenkirch, le village de mon grand-père.
Ce massif des Vosges, situé en Alsace, dans le Haut-Rhin, culmine à 988m et sa crête s'étire sur 6 km.
Nous pouvons y suivre des sentiers ombragés bordés de rochers moussus.



Le sentier de la crête du Taennchel
(photo du promeneur du 68)

Nous sommes partis du parking de la Rotzel situé en forêt à l'ouest de Thannenkirch pour, en passant par le Rocher des Reptiles, rejoindre le "Mur Païen" et le longer  par un sentier de toute beauté.
Le circuit nous ramène au point de départ en 3h40 de marche pure.
La vue se dégage par moments et nous apercevons le château du Haut-Koenigsbourg ou la plaine en contrebas : magnifique!

Vue sur le Haut-Koenigsbourg,
sur sa montagne, au loin
(photo du promeneur du 68)

Vue sur Thannenkirch
depuis le Taennchel
(photo du promeneurdu 68)

C'est toujours avec grand plaisir que je reviens marcher par tous les temps dans ce lieu magnifique chargé, dit-on, d'influences cosmo-telluriques, et en tout cas où de nombreuses légendes peuplées de fées, de géants, de reptiles, se sont développées et qui donnent à ce très beau massif une aura fantastique.

Les nombreux rochers spectaculaires et fontaines aux noms évocateurs qui le parsèment donnent une idée de ces légendes :  le Losbrunnen (la fontaine du destin et la purification par l'eau), le Rocher des Géants (maîtrise de la pensée), la Roche de la petite fée (maîtrise des émotions), le Rocher des Reptiles (maîtrise des instincts), le Rammelfelsen (repos du guerrier spirituel), et j'en passe...
Les légendes et contes vraisemblablement d'origines celtes sont nombreux.

Mais que signifie donc "Taennchel" ?

Si nous faisons référence au livre de C. Carmona, B. Riebel, M. Schultz, qui développe ces légendes d'un temps passé (Haut-Koenigsbourg, Frankenbourg, Taennchel, triangle tellurique, Ed Images et Découvertes), nous avons l'information suivante :

"Ce nom vient de Taenn qui, en vieux celtique veut dire feu, et de Hel (Hélios pour les grecs) ou El, qui était le dieu du soleil. Or dans la mythologie gréco-romaine, c'était justement Apollon, le dieu du soleil et symbole du mental éclairé qui était chargé de combattre et de maîtriser les Géants, symboles des forces primitives."

Et quid du mystérieux  "Mur Païen" que nous avons longé sur 2,3 km ?

La largeur de ce mur, qui suit la crête du Taennchel varie entre 1,80 et 2 m et sa hauteur est de l'ordre de 1,50.
Son origine fait encore l'objet de recherches et les hypothèses vont bon train..

Le "Mur Païen" du Taennchel
(photo du promeneur du 68)

Il est couvert par endroits de signes mystérieux et d'inscriptions.
Des hypothèses font remonter sa construction vers 680 ou 780 après J.C.

Il n'aurait rien à voir avec les "Murs Païens" proches : celui du Frankenbourg et celui du Mont-St Odile...

Mais pour plus de précisions, sur le Taennchel, ses rochers, ses légendes et son "Mur Païen", voir ici et .

En tout cas, le massif du Taennchel est à tous points de vue un enchantement pour le randonneur et nous ne nous lassons pas d'y revenir nous imprégner de sa beauté magique et de ses légendes!


mercredi 29 mai 2013

Opéra :"La Donna del Lago" de Rossini à Covent Garden



"La Donna del Lago" est le plus romantique des opéras italiens de Rossini (1792-1868).

Nous avons eu le plaisir de le découvrir ce lundi 27 mai, retransmis en live du Royal Opera de Londres (Covent Garden) au cinéma CGR de Colmar.

Gioachino Rossini

C'est un opéra important, magnifique, et cependant peu joué et peu connu, bien que la première, en 1819 ait été un succès.
Il s'inspire de "The Lady of the Lake" de Sir Walter Scott (1771-1832).

Sir Walter Scott

L'action, une turbulente histoire d'amour, se déroule dans le contexte des luttes et des rivalités politico-guerrières du XVI° siècle dans les Highlands, en Ecosse.
Et plus précisément à Stirling, en 1530, à l'époque de la révolte des montagnards des Highlands contre le jeune roi James V d'Ecosse, qui a donc ici 18 ans.

Voir l'argument ici.

L'opéra exalte les sentiments amoureux,  sur fond de chants religieux et guerriers, ce qui est assez inhabituel chez Rossini.

La musique est expressive, gracieuse et demande aux interprètes une virtuosité vocale exceptionnelle.

Le rôle d'Elena, la Dame du Lac, comporte une aria finale diaboliquement difficile que la plupart des sopranos et des mezzos ne peuvent assumer.
Les rôles de ténors sont hérissés de notes aiguës, hors de portée de l'immense majorité des chanteurs.

John Fulljames, metteur en scène, a réuni pour cet opéra ce qui se fait de mieux en matière de chant rossinien!

La baguette du chef Michele Mariotti nous entraine dans les forêts ombrageuses et les plaintes nocturnes...

Joyce Di Donato, mezzo-soprano, l'une des grandes stars du chant rossinien est galvanisante. L'intensité de son chant et ses prouesses techniques en font une Elena bouleversante.

Juan Diego Flores, dans le rôle d'Uberto (James V) est absolument étonnant. 

Surprenante et virtuose est également Daniela Barcellona, qui interprète Malcolm, le preux chevalier, amoureux d'Elena.

Joyce Di Donato

Juan Diego Flores

Daniela Barcellona

Ce fut pour nous une véritable révélation musicale!

mardi 28 mai 2013

"La pluie" selon Francis Ponge...


Ce "joli mois de mai" gâté (pourri ?) par la pluie est l'objet de nos sujets de conversation quotidiens...et de récriminations fréquentes.

Mais qu'y pouvons nous ?
Dieu merci, nous n'y pouvons rien...

...sinon apprendre à observer, contempler, nous intérioriser et nous mettre à l'école de Francis Ponge (1899-1988) , dans "Le parti-pris des choses" (1942). Voir ici.

Francis Ponge

Avec Francis Ponge, les "choses" de la vie quotidienne prennent une valeur précieuse :


"La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. 

Au centre c'est un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore pur. 

A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là d'un pois, ailleurs presque d'une bille. 

Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. 

De la gouttière attenante où elle coule avec la contention d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes.

Chacune de ses formes a une allure particulière: il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation.

La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.

Lorsque le ressort s'est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la machinerie s'arrête. Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt, le brillant appareil s'évapore : il a plu."

La pluie, à Rome...
(photo du promeneur du 68)




...et vue du tram, à Lisbonne
 (photo du promeneur du 68)


lundi 27 mai 2013

Philosophie et théâtre : "Faire le Gilles (Deleuze)"




Le comédien Robert Cantarella s'est mis, totalement, dans la peau et la personne du philosophe Gilles Deleuze, pour nous re-donner un cours de Deleuze sur Spinoza et son Ethique : magistral!

Robert Cantarella

C'était à "La Filature", à Mulhouse, le samedi 18 mai.

Magistral à double titre : Robert Cantarella est assis, des oreillettes de petits formats lui font entendre la voix de Deleuze.
Il redit ce qu'il entend au plus près de la voix d'origine, en refaisant les inflexions, les suspens et répondant aux interventions.

Cantarella a bien entendu tout d'abord écouté ce cours de Deleuze, donné dans les années 1980,  et visionné les enregistrements vidéo des cours du philosophe.

Nous entendons Gilles Deleuze, en live, nous parler de Spinoza, en petit comité!

C'est en jouant avec la voix du philosophe Deleuze que le comédien Cantarella, peu à peu, s'est pris à la dire, puis à en faire une copie sonore, là, devant des spectateurs passionnés durant deux longues heures...

Gilles Deleuze

"J'ai pensé aux exercices de copie si habituels en peinture, et j'ai entamé des ateliers de copie sonore. La pratique, comme en peinture, est jubilatoire pour celui qui fait, et pour celui qui reçoit!"
Jubilatoire, en effet !

Magistral de pouvoir ainsi "réécouter et voir" Gilles Deleuze (1925-1995).

Professeur de philosophie, Deleuze a su faire coïncider exemplairement sa vie, sa pensée et son enseignement.

Il a apporté un regard neuf sur la philosophie et son histoire, et participé, avec Michel Foucault, à un rajeunissement de la philosophie universitaire.

Gilles Deleuze

Deleuze fut, de l'avis de beaucoup, un philosophe extraordinaire qui parvenait à conjuguer la rigueur et l'érudition universitaires à la plus grande imagination conceptuelle, le tout en termes simples et accessibles.

Il nous fait rentrer de plein pied dans l'univers de Spinoza (1632-1677), un philosophe lui aussi extraordinaire .

Baruch Spinoza

Robert Cantarella n'interprète en aucun cas la parole deleuzienne, mais il l'expérimente : il "fait le Gilles".

Il nous offre sa propre expérience d'un "devenir-Deleuze" et non son interprétation de la parole deleuzienne...

Un grand moment absolument passionnant!

dimanche 19 mai 2013

A Paris : Eugène Boudin, le "roi des ciels" !



Une exposition passionnante consacrée à Eugène Boudin se tient en ce moment et jusqu'au 22 Juillet au Musée Jacquemart-André à Paris.

Cette exposition est la première rétrospective parisienne consacrée à Eugène Boudin depuis 1899, c'est tout dire l'importance de l'évènement!

Eugène Boudin
Eugène Boudin (Honfleur 1824 - Deauville 1898, voir ici) affectionne les rivages de sa Normandie natale encore plus que les autres.

Dans ses paysages, il accorde toujours une place prépondérante au ciel et aux variations atmosphériques.

Vaches à la pâture 18888

Il veut "arriver aux tendresses du nuage".

Ses marines suscitent l'enthousiasme de Corot et de Courbet.


Corot, justement, aurait dit : "Boudin, vous êtes le roi des ciels!"

Courbet renchérit : "Nom de Dieu, Boudin, vous êtes un séraphin, il n'y a que vous qui connaissiez le ciel!"

Marée basse à Etaples 1886

Le passage des nuées alimente sans discontinuer les rêveries du peintre, sur la côte normande, en Bretagne, aux Pays-Bas et à Venise :

"Nager en plein ciel. Arriver aux tendresses du nuage. Suspendre ces masses au fond, bien lointaines dans la brume grise, faire éclater l'azur.
Je sens tout cela venir, poindre dans mes intentions.
Quelle jouissance et quel tourment...
... Les Hollandais arriveraient-ils à cette poésie du nuage que je cherche? A ces tendresses du ciel qui vont jusqu'à l'admiration, jusqu'à l'adoration : ce n'est pas exagérer."

La plage à Tourgeville 18893

En 1920, Monet, alors âgé de quatre vingts ans dit tout, en très peu de mots :

"Je considère Eugène Boudin comme mon maître!"
et aussi :

"Boudin, avec une inépuisable bonté, entrepris mon éducation.
Mes yeux, à la longue, s'ouvrirent, et je compris la nature...
Ce fut tout à coup comme un voile qui se déchire : j'avais compris, j'avais saisi ce que pouvait être la peinture!"

Deauville Marée basse

Ses "beautés météorologiques" séduisent Baudelaire :

"A la fin , tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, roulé ou déchiré, ces horizons eu deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l'éloquence de l'opium."

J'ai été moi-même séduit et fasciné : magnifique,  une vision intérieure tendre et émouvante d'un monde qui ne cesse de changer sous notre regard!

Il faut dire, qu'en tant que photographe, je suis fasciné et séduit par les nuages et les ciels, alors...


...alors, courez, volez, laissez vous entrainer par la magie d'Eugène Boudin dans la magie de ses marines et de ses ciels!