mercredi 31 octobre 2012

A propos de la "Messe Glagolitique" de Leos Janacek


La "Messe Glagolitique" de Leos Janacek (1854-1928) est une oeuvre singulière, insolite, dramatique et captivante, qui est portée par une écriture étrange et joyeuse, populaire et solennelle semblant nous venir du fond des temps mais qui, en même temps, reste éloignée d'une certaine sévérité liturgique. 
Elle  me touche profondément.

Voir ici la biographie de Leos Janacek, l'un des cinq plus grands compositeurs tchèques, avec Vorisek, Dvorak, Martinu et Smetana.

Cette "Messe glagolitique pour orchestre, orgue, choeurs et solistes" (Msa Glagolskaja) fut écrite par le compositeur tchèque entre le 2 Août et le 15 Octobre 1926, soit deux ans avant sa mort.

Leos Janacek

C'est une oeuvre de maturité, Janacek ayant alors plus de 70 ans, qui demande un effectif important : un orchestre étoffé, un double choeur, 4 solistes, un orgue.
Elle fait partie des oeuvres majeures de la musique sacrée du XX° siècle.

L'impression qui s'en dégage est pour moi profondément troublante, tant son écriture est à la fois moderne et ancienne, recueillie et joyeuse.
C'est une oeuvre populaire qui glorifie un Dieu qui se trouve plutôt dans la nature que dans les églises.

Cette écriture est moderne, très personnelle, et n'a rien à voir avec celle de son compatriote et ami Dvorak. Elle est clairement modale (voir ici), comme la musique française de son époque.
Janacek s'est beaucoup inspiré de la musique populaire de son pays.

Cette écriture semble en même temps ancienne : en effet, cette Messe reprend une liturgie écrite en slavon, ou vieux-slave.

Cette écriture utilise l'alphabet glagolitique, imaginé au IX° siècle par les missionnaires byzantins Cyrille et Méthode afin de rendre accessibles les Saintes Ecritures.

L'écriture glagolitique est la plus ancienne écriture slave. Elle tire son nom du vieux mot slave glagoljati (verbaliser).
Elle fut utilisée au Moyen Âge en Croatie, Bulgarie, au Montenegro et plus sporadiquement en Bohême.
Elle a donné naissance à l'écriture cyrillique, qui l'a finalement supplantée.

Missel écrit en glagolitique
conservé à Kiev.

Une note suivra sur cette écriture glagolitique, que j'ai découverte lors de mon voyage récent en Croatie/Istrie.

Il faut savoir que  Janacek enfant participait, au couvent des Augustins de Brno, en tant que choriste, aux célébrations annuelles de Cyrille et Méthode
L'impression qu'il a gardé de ces festivités a du être profonde.

Cyrille et Méthode

Cette "Messe glagolitique" n'a en fait jamais été destinée à des célébrations liturgiques!

Janacek a voulu plutôt traduire les anciennes racines du génie slave :
"La croyance dans le peuple, non pas sur la base religieuse, mais du point de vue moral qui prend Dieu pour témoin."

Cette "Messe glagolitique" étrange est un hommage enthousiaste  à la création, à la nature et à son perpétuel renouvellement, au cycle éternel de la mort et de la vie.

Ecoutez :
ici  l'Introduction,
ici le Kyrie Eleison,
ici le Postludium (solo d'orgue après l'Agnus Dei).

lundi 29 octobre 2012

Photographie : Gustave Le Gray, un précurseur sous le Second Empire


Gustave Le Gray (1820-1884) fut le plus important photographe du Second Empire.

Il a formé toute une génération de photographes passionnés qui ont inventé, avec leur maître, une nouvelle esthétique qui s'est totalement démarquée de l'enseignement des Beaux-Arts.

Voir sa biographie, sa vie mouvementée et son exil en Egypte ici

Une magnifique exposition ("Modernisme ou Modernité, les photographes du cercle de Gustave Le Gray")
se tient actuellement au Petit Palais, à Paris, jusqu'au 6 Janvier 2013.

Gustave Le Gray fut un précurseur, et sa démarche, moderne avant l'heure, préfigura le mouvement moderniste de l'entre deux-guerres.

Gustave Le Gray
Ses images sont parfaites, à la fois du point de vue technique et du point de vue de la composition, où il fait preuve d'une audace remarquable pour l'époque.
Il a su maîtriser la technique photographique dans ses deux axes essentiels : celui de la composition et celui de la lumière.

Brick sous la lune

Ce que je trouve extraordinaire, dans la personnalité et l'oeuvre de Gustave Le Gray est qu'il fut à la fois "technicien", inventeur et artiste, et que son oeuvre artistique s'est appuyée et développée sur deux de ses inventions majeures, liées à sa parfaite maîtrise de la chimie photographique : le négatif sur verre au collodion humide (1850)  et le négatif sur papier ciré sec (1851). 

Il publiera à ce sujet, entre 1850 et 1854 quatre manuels techniques qui font référence.

La Grande Vague

Il s'agissait pour lui "d'unir la science à l'art" et de donner aux photographes "amateurs" les moyens techniques leur permettant de s'exprimer au plan artistique.

"J'émets le voeu que la photographie, au lieu de tomber dans le domaine de l'industrie, du commerce, rentre dans celui de l'art." (Le Gray, 1852)

Etude d'arbre

Le "collodion humide", procédé qui sera perfectionné par Frederik Scott Archer, permettait d'obtenir des clichés d'une grande finesse et de rendre une gamme de gris très étendue...à condition de procéder extrêmement rapidement.
En effet le négatif devait être préparé exposé et développé en un temps très court (au total 15 à 30 mn).
Voir ici pour la description complète du procédé.

Cheval et charrette

Voir ici la description du procédé dit du "négatif sur papier ciré sec", qui permettait de préparer son papier sensible à l'avance, ce qui était essentiel lorsque l'on voulait voyager et photographier.

Le Gray a maintenu la tradition de l'atelier d'artiste. 
Les siens furent à la fois des lieux d'apprentissage pour ses nombreux élèves mais aussi des salons ouverts au milieu artistique. 
Parmi ceux qui fréquentèrent les ateliers de Gustave Le Gray : Alexandre Dumas, Victor Cousin, Henri Le Secq, Adrien Tournachon et son frère Nadar,...

Cloître

Alexandre Dumas disait de lui : "J'ai compris qu'un photographe comme Le Gray est à la fois un artiste et un savant."

mardi 9 octobre 2012

Venise, encore et toujours...


Quelques clichés pris au cours de mes promenades dans Venise, au cours de cette journée qui fut courte, trop courte, mais qui m'a cependant laissé un souvenir vivant, lumineux et...aquatique : toujours magique!






Et également quelques clichés avec une "autre vision", pour ceux qui aiment :








lundi 8 octobre 2012

En Croatie : Motovun l'istrienne !


Je viens de passer une semaine de randonnée fort agréable en Istrie (Croatie) avec des amis randonneurs alsaciens et slovènes.
C'était pour moi une première rencontre avec l'Istrie, ses paysages quasi toscans, ses beautés historiques et architecturales, ses spécialités culinaires, ses bonnes bières et ses excellents vins.

Parmi les spécialités culinaires, la truffe est omniprésente, et on ne peut y échapper!
Ces truffes proviennent de la forêt de Motovun qui s'étend sur des km dans la vallée de la Mirna et qui est la plus grande réserve de truffes istriennes.


Et en ce qui concerne le vin, il s'agit d'une longue histoire d'amour et de travail entre l'Istrie, ses habitants et la vigne.
En effet dès le VI° siècle avant J.C., les Grecs avaient établi des colonies sur la côte dalmate et y cultivaient la vigne.
Actuellement le vignoble s'étend en Istrie sur 60 000 ha.
Lors de nos randonnées, nous avons traversé nombre de vignobles bien entretenus.
Mais je dois dire qu'en dehors de la culture de la vigne, nous avons surtout traversé des champs en jachère, et nous n'avons pas aperçu d'élevage de bovins, juste quelques troupeaux de moutons.

Le vin de qualité représente 70% de la production en Istrie et pour le reste, les viticulteurs s'efforcent de transformer les "petits cépages" en vins de qualité supérieure.

Les vins, excellents, que nous avons dégustés, provenaient de deux cépages autochtones : le Malvoisie et le  Teran.


Nous avions établi notre camp de base à Motovun, au centre de l'Istrie.

Motovun

Motovun est un gros bourg juché sur une colline de près de 300m qui domine la rivière Mirna.

Porte d'entrée du vieux Motovun


L'ambiance y est médiévale de par ses vieilles rues pavées et ses bâtiments chargés d'histoire et marqués par les présences romaine et vénitienne.

La même porte...en sortant du
vieux village

La  vieille ville est ceinte de magnifiques remparts et fortifications d'où la vue plonge sur les vignes et la forêt et donne un aperçu dans le lointain sur les autres collines et leurs villages perchés.
Le sommet du village domine souvent une mer de nuages extraordinaire, surtout au lever du soleil.


L'église St Stephan (17° siècle) trône sur la place principale, avec son clocher romano-gothique (13° siècle) et un beau palais roman lui fait face.
On retrouve le lion ailé sur le mur du palais, symbole de la domination de la Sérénissime République sur l'Istrie.

Motovun accueille tous les ans un festival du film réputé.

Motovun, ainsi que la forêt de Motovun ont inspiré l'écrivain et homme politique croate Vladimir Nazor, dans son récit allégorique "Veli Joze" (Le Grand Joseph)


Ce gros bourg plein de charme est un lieu de départ de belles randonnées.
Nous avons eu  grand plaisir à y séjourner, et je vous le recommande très vivement!

dimanche 7 octobre 2012

Venezia la bellissima!


De retour d'une randonnée de 8 jours en Istrie, nous avons passé une journée magnifique à Venise.

De Venise, nous en avions parlé pendant cette semaine, car l'Istrie fut longtemps sous la domination de la Sérénissime République.
Les influences nombreuses et variées se font partout sentir dans cette magnifique région, à commencer par celles de la domination romaine.
L'histoire de l'Istrie est particulièrement compliquée, tout comme celle des Balkans, et ce, jusqu'à une époque récente.
Elle est actuellement partagée entre l'Italie (zone de Trieste), la Slovénie ( qui a ainsi un accès à la mer), et la Croatie.
Nous étions dans la partie croate de l'Istrie, dans sa partie centrale, autour du magnifique bourg de Motovun, mais également au bord de la mer.

Istrie
L'influence de Venise : on en voit le symbole, le lion ailé, sur nombre de bâtiments, comme sur le château de Motovun.

Lion de Venise à Motovun
On voit également les traces de la domination vénitienne dans le fait que de nombreuses zones de l'Istrie sont entièrement déboisées.
Elles l'ont été afin de fournir les millions d'arbres nécessaires, au fil du temps, pour la construction de cette ville magique.
A noter également que les pierres qui ont en partie servi à construire les bâtiments viennent d'Istrie, une belle pierre blanche granuleuse avec laquelle sont édifiés les villages et les églises  croates que nous avons traversés et admirés.

Car, on le sait, Venise est bâtie, mais en partie seulement, sur pilotis.
C'est une erreur de croire que cette ville a été construite sur l'eau.
Seulement 10 à 15% des bâtiments sont sur pilotis.
Venise repose en effet en partie sur des îlots fait d'alluvions ; il y en aurait 117 au total.

Les pieux existants, de 2 à 4 mètres de long ont été enfoncés jusqu'à atteindre la couche plus solide nommée "carento".
L'Eglise Santa Maria della Salute est édifiée sur 1 156 672 pieux de chêne et de mélèze, pour être précis.
Les deux arches du pont du Rialto sont édifiées sur 12 000 pieux en bois d'orme.
Ces pieux sont imputrescibles, de par leur immersion dans l'eau et la boue de la lagune.

Voir ici les enjeux et les défis architecturaux rencontrés lors de l'édification de Venise, et le défi actuel de sa préservation.Car sans cesse, on consolide et on reconstruit...


Je préfère, et de loin, m'aventurer dans des ruelles, ou le long de petits canaux, sur des placettes merveilleuses, pour découvrir des recoins qui me transportent, loin des groupes de touristes souvent passifs.


Voir la vie des habitants de Venise, de ses étudiants, de ses employés me réjouit : le ramassage des ordures, les livraisons de tous ordres,...et les embouteillages sur les canaux!


Cela n'empêche pas d'aller et de revenir sur des sites plus connus, et de tenter d'y capter les jeux de l'eau et de la lumière...toujours changeants, toujours magiques, car la poésie et le rêve nous attendent à chaque pas...

Ci dessous quelques clichés plus personnels, pour ceux qui y seraient sensibles...

Le Grand Canal


Santa Maria della Salute
...un goût de "revenez-y"!...