vendredi 28 octobre 2011

Le peintre Thomas Moran, un "Turner américain"

En juin de cette année, lors de notre circuit au Texas, nous nous sommes arrétés à Orange, non loin de la Louisiane, pour y découvrir le "Stark Museum of Art", une fondation privée où, à mon grand étonnement, nous étions les seuls visiteurs. Voir ici.

Petit musée, où tout le personnel s'est mis en quatre pour nous renseigner et nous faciliter la visite, mais grandes collections, de peintres de l'Ouest américain, d'objets d'art réalisés par les populations indiennes de l'Ouest (poteries, poupées hopis,...) et de livres rares et autres manuscrits.

J'aime, lors de mes voyages aux USA, découvrir les oeuvres d'artistes américains, photographes et peintres, ainsi que les créations d'artistes indiens, passées ou contemporaines. Et là, à Orange, j'étais servi!


Au "Stark Museum of Art", j'ai découvert des artistes, connus outre Atlantique, mais inconnus de moi, comme Frederick Remington, Albert Bierstadt et Thomas Moran.

Thomas Moran (1837-1926) grandit à Philadelphie, en Pennsylvanie, et, après un court apprentissage chez un graveur sur bois, s'est engagé dans la carrière de peintre professionnel.

Il a développé et exercé ses dons artistiques en observant et en peignant, sur le terrain, dans les forêts proches de Philadelphie.




Il a été fortement influencé par les oeuvres du grand peintre anglais William Turner (1775-1852). Il a d'ailleurs fait le voyage en Angleterre, en 1862, afin de pouvoir admirer les oeuvres de Turner de plus près.

Et, après avoir étudié les tableaux de Turner à Londres, il a voulu se rendre sur les sites mêmes où Turner avait puisé son inspiration, afin de pouvoir se rendre compte in-situ des libertés prises par l'artiste tant avec la topographie des lieux qu'avec la lumière et les couleurs.

Thomas Moran s'est tellement inspiré de Turner et de son art de rendre lumière, atmosphères et couleurs que ses contemporains l'ont très vite surnommé "le Turner américain"!

Les voyages qu'il entrepris dans l'ouest américain ont radicalement changé le cours de sa carrière artistique.

Il s'est ainsi rendu à plusieurs reprises dans la région de Yellowstone, accompagnant une expédition scientifique.

Ses aquarelles et huiles rencontrèrent un succès certain, au point qu'il signa désormais ses travaux TYM, c'est à dire Thomas "Yellowstone" Moran...

Après ces expéditions, l'idée germa alors que devrait être créé à Yellowstone un Parc National.

Les tableaux de TYM, exposés au Congrès américain, furent l'argument décisif qui amena à la création à Yellowstone, en 1872, du premier Parc National des Etats-Unis.

Thomas Moran continua à peindre avec inspiration et succès les splendides paysages de l'Ouest : au Grand Canyon, dans le Wyoming, dans les Rocheuses, au Grand Teton, où un sommet porte d'ailleurs son nom.

Son magnifique tableau intitulé "The Three Tetons" (1895) trône en bonne place - à côté du tableau représentant Georges Washington - dans le Bureau Ovale, à la Maison Blanche.

Plein d'énergie et de dynamisme, Moran continua à voyager et à peindre jusqu'à plus de 80 ans, encensé en tant que "doyen des peintres paysagistes américains" et "père des Parcs Nationaux".

De haut en bas : The three Tetons; Great Springs of the Firehole river (Yellowstone); Index Peak (Yellowstone); Yellowstone Canyon; Rainbow over the Great Canyon of the Yellowstone.

samedi 22 octobre 2011

A Speyer, Palatinat : les Saliens, une puissance en évolution

C'est sous ce titre (Die Salier. Macht im Wandel) que se tient actuellement, et jusqu'au 30 Octobre, à Speyer (Spire, en français), dans le Palatinat (Pfalz, en Allemagne) une remarquable exposition sur les Saliens, au Musée Historique (Historisches Museum der Pfalz Speyer).


Nous avons visité cette exposition vendredi dernier avec beaucoup d'intérêt et de bonheur.


Cette visite nous a permis d'admirer également le chef d'oeuvre qu'est la Cathédrale impériale de Speyer ("Une véritable merveille, qui mérite louanges et admiration"), qui fête en ce moment ses 950 ans.

La ville de Speyer fête également ses 900 ans d'accès au statut de ville franche impériale.


Musée et Cathédrale sont proches l'un de l'autre et une visite ne va pas sans l'autre.

L'exposition retrace d'une part 100 ans de pouvoir (XI° et début du XII° siècles) de la dynastie des Saliens, sur le Saint Empire Romain Germanique, et d'autre part s'intéresse aux tissus découverts dans les tombes des Empereurs saliens en 1900 et à leur analyse.


Nous avons pu y admirer des pièces uniques, laiques et religieuses, de grande valeur, des trésors d'enluminure, du travail de l'ivoire, et de magnifiques pièces d'orfèvrerie.
Ces pièces, réunies pour la première fois, proviennent de plus de 50 musées et collections européennes.


Une mise en scène exigeante et des reconstitutions virtuelles précises nous guident tout au long de cet exposition unique.


Un conflit permanent entre le spirituel et le temporel, entre les Papes et les Empereurs marque alors profondément cette époque.


Souvenez vous (si, si!), en 1076, le Pape Grégoire VII excommunie l'Empereur Henri IV, qui finit par faire amende honorable à Canossa...


Mais plus tard, le dernier Empereur de la dynastie des Saliens, Henri V fera arrêter le Pape Pascal II, qui finira par céder à l'Empereur.
"Relater ce qui s'est passé nous mènerait trop loin!"écrivait le chroniqueur Ekkehard von Aura, en pensant à ces évènements de 1111.


Le St Empire Romain Germanique s'étendait à l'époque du Danemark à l'Italie du Sud et de la Lotharingie à la Bohème.


Conrad II, premier Roi salien, fit construire la Cathédrale à Speyer : c'était la plus grande église romane du Saint Empire.

Bernard de Clairvaux y a prêché la II° Croisade.

Dans sa crypte reposent huit Empereurs et Rois allemands.


Cette Cathédrale a subi de nombreuses destructions et reconstructions suite aux guerres et aux révolutions.


Le Trésor de la Cathédrale exposé dans le Musée Historique témoigne de la puissance de l'Eglise.


En résumé, nous avons pu avoir un aperçu saisissant du destin dramatique des souverains saliens et de leur pratique politique qui a changé l'ordre du monde.



Leur histoire est liée étroitement à celle de Speyer qui était alors le centre de leur Empire.


Photos, de haut en bas : Couronne provenant de la tombe de Conrad II; Evangéliaires ; bague provenant de la tombe de Henri V; Globe impérial (Reichsapfel) provenant de la tombe de Henri III.

lundi 17 octobre 2011

Au Centre Pompidou, à Paris : "Paris - Delhi - Bombay..."

Vu à Paris, en septembre, au Centre Pompidou, l'exposition intitulée " Paris - Delhi - Bombay..."

Exposition intéressante, surprenante à divers titres, qui m'a permis de découvrir des aspects (de moi peu connus) de la création artistique contemporaine indienne.

Etant allé plusieurs fois en Inde, et ayant apprécié la magnifique exposition du Musée du Quai Branly en 2010 (L'Art tribal en Inde), je me suis précipité à Pompidou.

J'en suis ressorti surpris, intrigué, amusé, intéressé, plus que réellement touché.

"Où en est l'Inde aujourd'hui? ", telle était la (vaste!) question posée par cette exposition, au travers des propositions de près de 50 artistes indiens et français.

L'Inde contemporaine était abordée via plusieurs thématiques : la politique, l'urbanisme, l'environnement, la religion, le foyer, l'identité, l'artisanat...

Les oeuvres exposées nous ont montré les regards croisés d'artistes français et indiens sur la société indienne contemporaine.

Cette exposition était la bienvenue, car l'Inde est encore méconnue des français, au delà des voyages touristiques qui offrent souvent uniquement des visites de sites, certes magnifiques, mais qui ne permettent guère d'aller à la rencontre de la population, et encore moins des créateurs actuels.

A titre d'exemple, l'oeuvre que je retiendrais est une oeuvre que l'on pourra qualifier de "politique", celle de Sunil Gawde (Voir ici).

En effet, les préoccupations politiques sont au coeur de la création de nombre d'artistes indiens contemporains : passé colonial, traumatisme de la partition de 1947,...

Le travail de Sunil Gawde (né en 1960 à Mumbai - Bombay), un artiste qui a exposé en France, à Abu Dhabi, à Shangai, à la Biennale de Venise 2009, à la Biennale de Ladonia (Scandinavie) 2009,...est tout à fait étonnant.

"J'aime questionner le rapport entre la perception et la réalité" dit-il.

Le rapport entre la perception et la réalité nous questionne, en effet, lorsque nous nous approchons de son oeuvre exposée à Pompidou.

A première vue, il s'agit d'une magnifique guirlande de fleurs rouges, en réalité constituée de lames de rasoir : l'oeuvre se refère aux assassinats successifs de personnalités politiques indiennes, en particulier ceux du Mahatma Gandhi, d'Indira Gandhi et de Rajiv Gandhi.

Souhaitons que cette exposition étonnante ait réussit, comme cela était son ambition, au delà de la surprise et de la découverte, à favoriser un dialogue autre entre la France et l'Inde et à renforcer les liens entre nos deux cultures!

Voir ce petit film sur Sunil Gawde à la Biennale de Ladonia 2009 :
http://www.youtube.com/watch?v=MvpCicAnXg0

dimanche 16 octobre 2011

Anne Boleyn de Donizetti au Met : tragique et bouleversant

Hier soir, au Kinepolis de Mulhouse, j'ai été transporté par la retransmission d' Anne Boleyn (Anna Bolena) de Donizetti depuis le Met, à New-York.

Transporté et ému par la très forte interprétation d' Anna Netrebko (soprano russe, photo à gauche), dans le rôle particulièrement difficile de la malheureuse Anne Boleyn, deuxième épouse du Roi d'Angleterre Henry VIII.

Le Roi aime une dame de compagnie de la Reine, Jeanne Seymour (remarquablement interprétée par Ekaterina Gubanova, Mezzo-soprano russe, photo à droite).


Pour se "débarrasser" de la Reine, Anne Boleyn, le Roi met sur pied une machination aux fins de pouvoir l'accuser d'adultère et la faire mettre à mort.
Cet opéra, trentième des 67 opéras (!) écrits par Donizetti (1797-1848), lui valut son premier triomphe en Italie comme à l'étranger.


Héritier de Rossini, rival de Bellini, et précurseur de Verdi, Donizetti est, avec eux, l'un des principaux compositeurs italiens du XIX° siècle.



Anne Boleyn (1830) est, avec Lucia di Lamermoor (1835) l'opéra le plus célèbre du Maître de Bergame.


J'avoue que je ne connaissais pas cet opéra, contrairement à Lucia, que j'ai pu visionner plusieurs fois.


J'ai été séduit et enthousiasmé par l'interprétation orchestrale, la mise en scène (Des McAnuff), les choeurs...


J'ai moins apprécié l'américain Stephen Costello (ténor, photo à gauche) dont l'interprétation de Lord Richard Percy, quoique musicalement excellente, manquait à mon goût de présence scénique.

J'ai trouvé par contre excellente la prestation de la basse russe Ildar Abdrazakov, dans le rôle d' Henry VIII (photo à droite).


Dans Anne Boleyn, comme dans Lucia, on suit l'évolution psychologique des personnages, évolution d'une complexité rare.


Le duo entre Anne Boleyn, Reine, mais pour peu de temps encore, et sa dame de compagnie, Jeanne Seymour, future Reine est absolument bouleversant!


Anne, injustement condamnée à mort passe par toutes les affres de la souffrance, jusqu'à plonger dans la folie (tout comme Lucia) : des moments dramatiques interpétés par Anna Netrebko de façon passionnée et déchirante, en particulier l'air "copia iniqua".


Mais c'est avec toute sa dignité retrouvée qu'Anne affonte le supplice.


L'oeuvre fut créée pour la grande cantatrice Giuditta Pasta (1797-1865), puis disparut du répertoire à la fin du XIX° siècle pour être reprise par Luchino Visconti à la Scala de Milan en 1957 avec une prodigieuse Maria Callas dans le rôle titre.


Une soirée magique et une Anna Netrebko tragique et bouleversante!


Voir :

vendredi 7 octobre 2011

A Paris : le Père Lachaise et l'épreuve du temps

Le cimetière du Père Lachaise, à Paris, est plus visité que nombre de jardins publics de la capitale. C'est le plus grand cimetière intra-muros de Paris et l'un des plus célèbres dans le monde.


Il est classé au titre des monuments historiques.



Sur 44ha, on y dénombre 70 000 sépultures ( la plupart des concessions perpétuelles, mais aussi des fosses communes), 5300 arbres, deux millions de visiteurs par an, et ...une centaine de chats.Les visiteurs y viennent pour la plupart à la recherche des sépultures d'hommes et de femmes célèbres, à divers titres, qui ont marqué la vie et l'histoire françaises et universelles.
Le visiteur s'y promène avec curiosité et émotion à la rencontre, au détour des allées, d' écrivains ( Apollinaire, Balzac, Proust, Colette, Eluard, La Fontaine, Molière,...), d' artistes ( Sarah Bernhardt, Delacroix, Modigliani, Gustave Caillebotte, Gericault, Maria Callas, Max Ernst, Bellini, Edith Piaf, Jim Morisson, Desproges, Yves Montand, Simone Signoret, ...), de


musiciens ( Bizet, Cherubini, Chopin, Rossini, Michel Petrucciani, ...), de scientifiques ( Arago, Champollion, Claude Bernard,...), d' hommes politiques ( Beaumarchais, Maurice Thorès, Jules Vallès, Louis Blanc, Auguste Blanqui, Thiers, Félix Faure, Jules Guesde, ...) .



Certaines tombes sont l'objet, pour des raisons diverses, de cultes particuliers (Allan Kardec, Victor Noir, Jim Morrison,...), sans parler du célèbre monument, en cours de restauration, à la mémoire d' Héloïse et Abélard!



Lors de la Commune de Paris, en mai 1871, le Père Lachaise fut le théatre d'une véritable guerre civile, en raison de sa situation stratégique sur une colline.





Les Fédérés installèrent leur artillerie en plein coeur du cimetière.



Mais ils furent rapidement encerclés par les Versaillais de Thiers d'un côté, et les Prussiens de l'autre.



Les 147 survivants furent fusillés le 28 Mai 1871 devant le mur qui prit ensuite le nom de Mur des Fédérés, au sud du cimetière.

"Se rendre au Père Lachaise, c'est faire un voyage dans un monde étrange et fascinant, où l'art et la nature s'unissent pour créer une harmonie qui apaise, invite au recueillement, à la méditation, à la rêverie...



L'ampleur du cadre du Père Lachaise, la poésie qui en émane, l'univers d'arbres et de pierres mélés, les tombes multiformes enchâssées dans la verdure, l'infinie diversité des tombeaux font que le décor est unique..." (www.pere-lachaise.com)




Mais il y a des recoins cachés de ce lieu étonnant, où j'aime me promener, en toute saison, et où les visiteurs pressés ne s'aventurent guère.




Ce sont des recoins, où l'épreuve du temps se fait plus particulièrement sentir, souvent dans l'anonymat le plus complet.




Ce début d'automne se prêtait pour moi à ce rendez vous nostalgique, étrange, et en même temps apaisant.







mercredi 5 octobre 2011

Dans les Vosges : dernière randonnée de l'été indien

L'été indien vient de prendre fin aujourd'hui : baisse des températures, nuages et brumes annoncent, en Alsace et sur les sommets des Vosges, la véritable arrivée de l'automne.


Les feuilles mortes étaient déjà là, mais nous n'y croyions pas encore.


L'occasion était belle, hier, pour nous aventurer sur les Hautes Chaumes, entre le Col de la Schlucht et le Col du Calvaire : belle luminosité, mélanges subtils de couleurs, les verts francs virant vers les rouges et les ocres et se mêlant au noir profond des sapins ; une lumière oblique en fin d'après midi faisait ressortir les reliefs des sentiers et des rochers au dessus des lacs : magnifique!


Arrivés au Col de la Schlucht, nous avons pris la "Route des Crêtes" en direction du Col du Calvaire.


A noter que cette "Route des Crêtes" fut créée par les troupes françaises au cours de la I° Guerre Mondiale, pour assurer le ravitaillement en vivres et en munitions.

Située à une altitude supérieure à 1200m, c'est incontestablement la plus belle route des Vosges.



Nous nous sommes donc garés au Collet du Lac Vert, au lieu dit Dreieck (1223m), à 5,3km de la Schlucht.


Nos pas nous ont ensuite amenés au Lac Vert (1044m), appelé aussi Soultzerer, situé dans un cadre majestueux bordé de gros blocs de rochers.


La teinte verdâtre très prononcée est due à la multiplication rapide en été des plantes aquatiques.
Nous n'avons pu nous empêcher d'en faire le tour, par un joli sentier ombragé.


Le sentier remonte ensuite vers la Ferme-Auberge du Gaertlestrain et le Chalet Erichson du Club Vosgien de Munster, pour nous amener par un sous bois rafraîchissant au Lac du Forlet (Forlenweiher, 1065m), appelé aussi Lac des Truites, certainement à tort, car son nom ne dériverait pas de Forelle (Truite)!

Ses 162 000 m3 de capacité servent à soutenir le débit de la Fecht.

Nous avons pris le temps d'admirer le cirque de caractère alpin dans lequel s'abrite le lac .


Grimpant ensuite le sentier abrupt qui nous mène vers le Soultzerer Eck, au dessus de la Ferme Auberge du Lenzwasen, la vue qui s'offre à nous est de toute beauté.


Nous atteignons enfin les Hautes Chaumes, puis nous nous dirigeons vers le Taubenklangfelsen (1299m) puis vers le sommet du Gazon du Faing (1302m), l'un des plus hauts sommets des Hautes Chaumes, d'où la vue sur le Lac du Forlet, enchâssé dans son cirque rocheux abrupt, 350m plus bas, est absolument splendide.


Le regard s'étend également sur le Val d'Orbey et la haute vallée de Munster.


Par le Gazon du Faîte (Ringbühlkopf, 1302m), nous rejoignons peu après le Collet du Lac Vert, après un peu plus de 3h d'une randonnée facile (mis à part la montée raide au dessus du Forlet) et vraiment superbe.


C'était là notre dernière randonnée vosgienne de l'été indien!



lundi 3 octobre 2011

Le photographe Lewis Hine, témoin des enfants au travail

L'américain Lewis Wickes Hine (1874-1940) fut un combattant acharné pour la justice sociale.
Sa seule arme : une lourde chambre photographique en bois.


Il était convaincu, à juste titre, que la production industrielle asservissait les hommes, les habitants des taudis new-yorkais, les immigrants d'Ellis Island et surtout les enfants.

Il ne cherchait pas, comme Stieglitz (son contemporain), à montrer de beaux tirages dans les galeries.

Au contraire, Lewis Hine photographiait pour convaincre. Il n'hésitait pas à "mettre en scène" ses sujets.


Ses clichés d' enfants au travail ont sensibilisé l'opinion publique, durant l'"Ere Progressiste" (Progressive Era), cette période de l'histoire des Etats-Unis qui va des années 1890 aux années 1920.
Ce mouvement de Réforme, dont le champion fut Theodore Roosevelt fut aidé par le journalisme d'enquête et par la "photographie sociale", en particulier celle de Lewis Wickes Hine.
Ses photographies, provenant de la collection de la George Eastman House, International Museum of Photography and Film, de Rochester et, pour la plupart, des épreuves anciennes de petit format, sont exposées en ce moment à Paris, à La Fondation Henri Cartier Bresson (Jusqu'au 18 décembre 2011) : un évènement à ne pas rater.


En 1907, Lewis Hine quitta son poste d'enseignant pour devenir le photographe attitré du "Labor National Child Committee", dont l'objectif était de "promouvoir les droits, la dignité, le bien-être et l'éducation des enfants et des jeunes dans leurs rapports au travail ou à toute activité laborieuse".

Outre sa volonté d'exposer et de dénoncer l'exploitation des enfants, Hine garde dans ses clichés une vision "progressiste" du travail et des travailleurs, mettant en avant la puissance, le triomphe de la machine et de l'industrie.

On connait ses photographies des immigrants d'Ellis Island ou celles des ouvriers travaillant, en équilibre au dessus du vide, à la construction des gratte-ciels de New York, mais ce sont vraiment ses photos d'enfants exploités au travail qui m'ont touché : des visages bruts et des regards profonds.

Voir Mon site Photos

dimanche 2 octobre 2011

Pina Bausch : dansez, dansez, sinon nous sommes perdus!

Deux ans après sa disparition, en juin 2009, Pina Bausch est toujours présente au coeur du public français.



Le réalisateur Wim Wenders a choisi la 3D pour rendre hommage à la grande danseuse et chorégraphe, dans un film sorti le 6 Avril 2011, et que je viens de visionner ce dimanche matin à Paris dans une salle comble.


Pina Bausch est morte le jour où le réalisateur a voulu faire les premiers tests en 3D.

Wim Wenders a alors songé à annuler le film :

"Le regard de Pina, c'était le film que je voulais faire.

Le regard s'est éteint! "

"Avec Pina, on était vraiment de bons amis, on n'avait pas peur l'un de l'autre.

Avec Pina, contrairement à ce que disent tous les autres gens, j'ai surtout rigolé. "


"Le soir où j'ai vu Müller Café pour la première fois, c'était un choc invraisemblable.

Je dois avouer que je n'avais même pas envie d'y aller...

J'y suis quand même allé.

Je me suis trouvé sur le bord du siège au bout de cinq minutes.

Je me suis trouvé en sanglots.

Et après 40 minutes, j'étais convaincu que j'avais vu la chose la plus importante de ma vie. "


Wim Wenders déclare à propos de "Pina" : "J'ai fait ce film pour tous ceux qui n'ont jamais eu le privilège de voir une pièce de Pina. "

Pari tenu, et un très bel hommage : la rencontre de deux monstres sacrés de la culture allemande, elle née pendant la guerre et lui juste après ; il fallait repartir à zéro et chacun d'eux l'a fait à sa façon!


Je me suis laissé emporter avec bonheur par les extraits des fameux spectacles de Pina : Müller Café, Kontakthof, Le Sacre du Printemps, Vollmond,...ainsi que par les scènes filmées dans les rues de Wuppertal.

Les danseurs y parlent de Pina en petites touches délicates, pleines d'admiration, de reconnaissance et d'affection, fruits d'une expérience de danse et de vie unique, exceptionnelle.


Un film magnifique et bouleversant, où la magie de Pina Bausch, malgré son absence, ou à cause d'elle, m'a touché au plus profond!


Pina avait bien raison de dire : "Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus! "

Voir :



Voir aussi ici ma note du 5/11/2010 sur le film : "Tanzträume : für Pina Bausch"

samedi 1 octobre 2011

Promenade au CERN, en Suisse, au coeur de la physique nucléaire

Mardi dernier, visite des installations du plus grand laboratoire de physique des particules du monde, à Genève : une promenade passionnante et instructive au coeur de la physique nucléaire!

Le CERN (Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire) abrite le LHC (Large Hadron Collider), soit, en français : le Grand Collisionneur de Hadrons.

Le CERN est l'un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires scientifiques du monde, dont les recherches sont axées sur la découverte des constituants et des lois de l'Univers.

Fondé en 1954, il a été l'une des premières organisations créées à l'échelle européenne et compte 20 états membres.

Un "Grand Collisionneur de Hadrons", soit! Mais les hadrons, c'est quoi-qu'est-ce?

Le hadron est un composé de particules sub-atomiques régis par l' interaction forte.

Les hadrons les plus connus sont les protons et les neutrons, qui sont des composants du noyau atomique.

Tous les hadrons, sauf les protons sont instables.

Si vous voulez en savoir plus, voir ici.

C'est tout bon? Pas de questions?

Que se passe-t-il donc, au CERN, dans ce tunnel circulaire de 27 km de circonférence, le LHC, enfoui entre 50 et 150m sous terre, entre les montagnes du Jura en France et le Lac Léman en Suisse?

Réponse : des collisions frontales entre deux faisceaux de particules identiques, soit des protons, soit des ions de plomb.

Les faisceaux sont créés dans une chaîne d'accélérateurs plus petits avant d'être injectés dans le grand anneau du LHC.
Ils y circulent dans un vide comparable à celui de l'espace intersidéral, guidés et accélérés par 1800 gigantesques aimants supraconducteurs fonctionnant à ...-271°C.

Chaque faisceau est formé de 3000 paquets de particules, chacun de ces paquets contenant 100 milliards de particules.

Les particules sont si petites que la probabilité pour que deux d'entre elles se percutent est très faible: quand les paquets se croisent il y aura à peu près 20 collisions pour les 200 milliards de particules....Mais les paquets se croiseront 30 millions de fois par seconde, avec les énergies les plus élevées jamais atteintes en laboratoire, ce qui fera quand même 600 millions de collisions par seconde!

Un faisceau circule pendant 10h, parcourant ainsi 10 milliards de km soit ...un aller et retour sur Neptune.

Il y a, sur l'anneau du LHC, 4 expériences : ALICE, ATLAS, CMS et LHCb, qui vont permettre de défricher de nouveaux domaines de la matière, de l'énergie, de l'espace et du temps, suite à l'analyse des résultats de ces collisions.

En particulier, les chercheurs se lancent avec acharnement sur la piste du fameux "boson de Higgs" : c'est une des priorités du LHC.
Si ce boson existe, il devrait être possible de l'observer d'ici 5 ans.

Ce boson, particule élémentaire dont l'existence a été proposée en 1964 par plusieurs chercheurs (Guralnik, Hagen, Kibble, Brout, Englert) et, indépendamment par Peter Higgs, serait à l'origine de la masse des particules, rien que ça!


Sa découverte sera une confirmation du "Modèle Standard" qui le prédit, et dont la cohérence dépend de son existence.

D'où l'enjeu, je ne vous le fais pas dire!

Ce boson serait, au niveau quantique, l'équivalent du "Champ de Higgs"
Bon! Voilà pour le moment. Pour plus d'infos, voir ici.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le LHC est une machine qui concentre énormément d'énergie dans un tout petit espace et qui permettra ainsi de faire progresser notre compréhension de l'univers...pour un investissement actuel de 6 milliards de Francs suisses!

Ces expériences génèrent bien entendu une quantité astronomique de données : il faudrait une pile de CD haute de 20km pour stocker les données recueillies chaque année par les expériences!

Nous avons également visité les installations informatiques : étonnant!

Mais en elles même, elles seraient insuffisantes pour traiter ces données si n'existait pas le GRID (Grille de calcul), mettant en commun par le biais de réseaux couvrant la planète, les ordinateurs de nombreux centres de recherche en physique des particules du monde entier.

Le LHC : un effort international sur lequel le soleil ne se couche jamais!

La visite vallait vraiment le déplacement à Genève...sans parler d'un farniente estival au bord du Lac Léman, avec une bonne bière, pour nous remettre de nos émotions et de nos interrogations existentielles!

Nous étions captivés, enchantés : beaucoup de réponses à nos questions, mais le mystère des interactions subatomiques est demeuré entier pour nous, tout comme il l'est encore, mais à une autre échelle, pour les 10 000 scientifiques des 500 Instituts qui travaillent au CERN et participent aux différents projets de recherche.

Allez-y, je vous le conseille vivement, si ce domaine de la recherche fondamentale vous intéresse, mais il faut s'y prendre ...un an à l'avance!