dimanche 24 avril 2011

Une "Affaire Makropoulos" fantastique à l'Opéra National du Rhin




Fantastique, cette "Affaire Makropoulos", de Leos Janacek, l'est au sens propre du terme.


J'ai eu le plaisir d'aller écouter cet opéra produit par l'Opéra du Rhin, à La Filature, à Mulhouse, le jeudi 21 avril.


Tout cela est magnifiquement mis en scène par Robert Carsen, la direction musicale de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse étant totalement maîtrisée par Friedemann Layer .


C'est une "Affaire" qui prend naissance dans la Prague de Rodolphe II, célèbre pour son intérêt pour la magie et l'alchimie (voir la ruelle des alchimistes près de son Chateau sur la colline de Hradcany).

Le Roi Rodolphe II, dernier des Habsbourg à avoir régné à Prague, aurait obligé le père d'Elina, médecin à la cour, à tester sur sa fille l'élixir de vie que ce dernier lui a confectionné.


L'expérience s'avère concluante, la jeune fille s'enfuit et son père est jeté en prison.


Cette femme énigmatiquement belle, Elina Makropoulos, que nous voyons tout au long de ce drame, est donc née en 1575.

Nous la retrouvons en 1912 : Elina est de retour à Prague sous le nom d'Elina Marty : toujours les mêmes initiales E.M. pour cette femme immortelle qui change d'identité tous les 60 ans....

Elina Marty est une diva d'Opéra mondialement célèbre.

Elle semble avoir pris goût à l'éternelle jeunesse et recherche désespérément la formule qui la fera à nouveau vivre 300 ans, mais elle est démasquée et finit par renoncer à cette vie éternelle cynique, immorale et impossible!


L'"Affaire Makropoulos", composé entre 1923 et 1925 (d'après une pièce de Karel Capek) , le 8° et avant-dernier opéra de Janacek (il avait alors 71 ans), a été créé en 1926 à Brno.

Cet opéra court a ceci de particulier qu'il ne comprend ni air, ni duo, ni choeur, ni interludes orchestraux, mais simplement une sorte de récitation rapide et continue.


La particularité de l'écriture de Janacek est de transformer la parole vivante en note musicale.


Les évènements les plus insignifiants de la vie sont ainsi chargés d'une émotion musicale assez surprenante, voire déroutante.

Il s'agit en quelque sorte d'une notation mélodique du langage parlé, appuyée sur une partition orchestrale et rythmique assez élaborée.


Donc, assez loin de ce à quoi je suis habitué : Verdi, Puccini, Donizetti, Rossini et tutti-quanti...sans parler de Wagner!


Mais cela fait du bien de pouvoir s'ouvrir à de nouvelles oeuvres...surtout lorsqu'elles sont courtes (1h30)!

Cela me donne en tout cas envie d'aller écouter d'autres opéras de Janacek, tels que Jenufa (que j'ai raté récemment à Mulhouse), La Petite Renarde rusée,...


En fait j'apprécie particulièrement ses oeuvres pour piano (sur un sentier recouvert, dans les brumes, trois danses moraves), ainsi que ses oeuvres symphoniques (Sinfonietta, Taras Boulba)


Fantastique, cette "Affaire Makropoulos" l'est aussi de par l'interprétation époustouflante de la soprano australienne Cheryl Barker, absolument étonnante, à la fois dans ses changements de personnages extrêmement rapides, son jeu scénique, et sa voix bien adaptée à une oeuvre qui exige autant de l'interprête que celle de Janacek.

L'"Affaire Makropoulos" : un grand rôle pour une interprète d'exception!

C'est saisissant de puissance et de beauté...


L'"Affaire Makropoulos" nous offre une introspection existentielle : une méditation ironique sur la vie, la mort, le temps qui passe dans nos vies.


"Tout est tellement absurde, vide, dénué de sens", s'exclame Emilia Marty, "il ne faut pas vivre aussi longtemps! "


Finalement, on ne peut supporter de vivre que si l'on sait que l'on doit mourir!


Et Janacek choisira de laisser mourir celle qui est devenue un monstre sans coeur ni âme, sans foi ni loi.

1 commentaire:

JCMEMO a dit…

Certainement une oeuvre intéressante.
De Janacek j'ai gardé un souvenir ému d'une représentation au Chatelet (il y a ...) de Katia Kabanova.
Un peu plus récemment à la TV une production du Festival d'Aix qui m'avait impressionné "Souvenirs de la maison des morts " sous la direction de Boulez dans une mise en scène remarquable De Chéreau.